Parlons autisme. Ou plutôt TSA : Trouble du Spectre Autistique. C’est un trouble neurodéveloppemental qui rassemble une pluralité de profils, allant de la personne ayant un autisme de Kanner, autisme lourd avec déficience intellectuelle, possiblement non verbale et sans beaucoup d’autonomie, à la personne socialement intégrée, sans déficience intellectuelle, parfois même un haut potentiel, appelé autisme de haut niveau ou syndrome d’Asperger.
Quelque soit le profil autistique, il regroupe trois points communs avec une importance plus ou moins grande, à savoir l’intérêt restreint pour un domaine en particulier, les difficultés de communication et les stéréotypies.
Le syndrome d’Asperger
Ce terme n’est plus tellement employé par la communauté scientifique mais pour autant partagé de tous. C’est pourquoi il sera utilisé dans cet article.
Le syndrome d’Asperger concerne les personnes ne présentant pas de difficultés d’intégration, du moins en apparence, à l’école ou dans la vie active, qui ont grandit comme n’importe quel neurotypique, avec toutefois un sentiment de décalage, de ne pas appartenir à ce monde. Pas de retard mental, les différentes acquisitions (parole, marche, propreté…) se sont faites dans les normes, parfois même en avance sur ses pairs. Rien n’indique donc que l’enfant puisse être porteur d’un trouble du spectre de l’autisme.
Intelligent, timide, dans la lune, « geek », marginal… autant de termes pouvant caractériser ces enfants, ces adolescents, ces adultes mais qui édulcorent la réalité. Ces appréciations ne poussent donc pas les parents à se poser plus de questions sur leurs enfants, les médecins ne sont pas suffisamment formés au diagnostic et les professionnels de l’autisme ne sont pas interpelés : trop de personnes sont en errance de diagnostic, premier pas essentiel et indispensable vers l’acceptation de soi et la compréhension.
Des personnes peuvent continuer à s’ignorer Asperger à l’âge adulte et vivent tant bien que mal dans un monde qu’ils jugent inadapté. C’est bien souvent au détour d’un témoignage, d’une recherche anodine, d’une vidéo ou d’une rencontre que l’on se pose les bonnes questions. C’est surtout avec la naissance d’un enfant, le sien ou celui d’un membre de sa famille, diagnostiqué comme ayant un TSA que l’on fait une relecture de sa propre histoire, que l’on s’interroge sur la force des similitudes et que l’on se pose les bonnes questions.
Il semblerait qu’il y ait 1 femme pour 5 hommes, en moyenne, concernés par cette forme d’autisme. Mais ces chiffres sont-ils réalistes, car en ce qui concerne les femmes ayant un syndrome d’Asperger, il est encore plus difficile et délicat de les diagnostiquer. Telles de vrais caméléons, elles arrivent à imiter les autres et se fondre dans la masse, du moins, plus que la gente masculine.
Mais alors comment reconnaître une « Aspergirl » ?
Les femmes Asperger
Minoritaires au sein d’une minorité, les femmes ayant le syndrome d’Asperger passent trop souvent entre les mailles du filet du diagnostic. De plus en plus de femmes concernées par ce trouble témoignent dans des livres ou dans des vidéos de leur parcours, des difficultés auxquelles elles ont été confrontées, de l’injonction à la féminité qu’elles se sont senties obliger de respecter puis de l’épuisement ressentie à force d’essayer de faire comme tout le monde.
Ce qui différencie une femme Asperger d’un homme Asperger, c’est avant tout le camouflage physique, comportemental et relationnel qu’elles sont capables de mettre en place, évitant tout soupçon. Les hommes vont, par exemple, s’intéresser avec excès à des choses moins banales que les femmes, comme les plaques d’immatriculation ou les plans des villes, là où elles vont préférer la littérature classique ou l’ornithologie, ce qui est socialement plus conventionnel et « acceptable ».
Mais si les Aspergirls passent plus inaperçues que les hommes autistes haut niveau, qu’est-ce qui différencie une femme Asperger d’une femme neurotypique ?
Les différentes caractéristiques d’une femme Asperger
Dans cette partie sera développé ce qui caractérise une femme ayant le syndrome d’Asperger. Bien évidemment, les arguments ne seront pas exhaustifs et l’entièreté des traits cités ne seront pas nécessairement retrouvés chez tout le monde. C’est avant tout une généralité, car chacune est différente et chacune développe sa propre personnalité en fonction de son passé, de sa prise en charge, de ses goût ou encore de ses attentes.
En apparence
Visuellement, rien de transcendant. Mais si on n’y regarde de plus près, les Aspergirls aiment plus que les neurotypiques porter des vêtements qui soient confortables et surtout pratique. La matière a également son importance. « J’ai très peu de vêtements mais ceux que j’achète sont en général chers car je ne supporte que très peu de matière et je déteste la sensation des coutures sur ma peau » m’a alors confié l’une de mes patientes un jour. Leur hypersensibilité, très caractéristique chez les Asperger hommes comme femmes, fait ressentir en excès le contact du vêtement sur la peau, qui peut parfois même être très douloureux. Elles peuvent également apprécier les vêtements serrés dans lesquels elles se sentiront contenues.
Elles n’affectionnent, de manière générale, pas plus que ça le maquillage et peuvent se coiffer « vite fait bien fait ». Leurs goûts vestimentaires peuvent s’apparenter à de « l’adulescence », ayant pour conséquence le fait qu’elles font généralement plus jeunes que leur âge. Cela peut aussi se ressentir dans leur manière d’être, tantôt exubérantes, décalées, loufoques… ou pas.
Dans leurs relations aux autres
On attend souvent des femmes en général qu’elles soient entourées d’une myriade d’amies. Ce n’est généralement pas le cas en ce qui concerne les Aspergirls. Elles affectionnent souvent la solitude choisie (et non pas subie), les moments de calme et le fait d’être chez soi. Ces femmes ont peu d’amies mais quand elles donnent leur amitié, c’est sincère. Elles n’apprécient pas les ragots ou les commérages, parler derrière les autres constituent pour elle un non-sens. Elles « économisent leur sociabilité » car elles sont souvent submergées par leurs 5 sens.
Ces femmes n’ont pas de mal à exprimer leurs émotions, en tout cas moins que les hommes Asperger, mais peuvent avoir du mal à les gérer. Elles peuvent aussi paraître froides et distantes, hyposensibles ou maladroites dans leurs réactions car elles peuvent avoir du mal à appréhender certains codes sociaux. « J’ai du mal avec l’ironie. Si on me fait une blague je vais la prendre au premier degré et je vais être rancunière si je comprends que l’on se moque de moi ». En effet, les Aspergirls peuvent possiblement développer une plus grande susceptibilité que les autres femmes et se renfermer sur elles à la moindre contrariété.
Les femmes Asperger peuvent éprouver moins de difficultés à rester seules plutôt qu’en couple, elles ne sont pas nécessairement à la recherche du grand amour. Quant à la maternité, elles ne font pas de moins bonnes mères que les femmes neurotypiques mais le désir de maternité se fait généralement moins ressentir. Elles apprécient aussi très souvent la compagnie des animaux.
Dans leur scolarité
Les femmes Asperger peuvent, au même titre que les hommes Asperger, présenter des difficultés scolaires ou au contraire de grandes facilités. Parfois peu concentrées, peu attentives, par moments bavardes, pouvant s’intéresser grandement à certaines matières pour délaisser complétement les autres… Il n’est pas rare de voir des personnes ayant un trouble du spectre de l’autisme présenter également un TDA/H, à savoir des Troubles Déficitaire de l’Attention, avec ou sans Hyperactivité, pouvant causer des difficultés en classe, avec l’enseignant ou les camarades : des difficultés à rester assises, à s’intéresser à tout, une impulsivité… Néanmoins, lorsqu’elles aiment réellement un domaine en particulier, elles peuvent s’investir avec passion et devenir autodidactes.
Elles sont, de manière générale, très intelligentes mais peuvent parfois avoir du mal à comprendre des choses d’apparence simple, du moins pour tout à chacun. Détestant l’injustice, les filles Asperger peuvent réagir au quart de tour pour défendre leurs droits ou ceux des autres, caractéristique qui se retrouve aussi une fois adulte.
Dans ses goûts
Evidemment, tout le monde est différent et chacune des Apergirls développera ses propres intérêts spécifiques. Cependant, on peut retrouver une grande attirance pour tout ce qui concerne l’informatique, le technologique ou la science, mais aussi le graphisme, les jeux ou les codes. Certaines autres seront également attirées par tout ce qui touche la compréhension de l’Homme, de la nature, du Monde, en étudiant la philosophie, la psychologie ou la sociologie.
Les Aspergirls peuvent se réfugier dans un monde à part, imaginé, fantastique pour se ressourcer de toutes les pressions externes subies, via des livres, des films ou des séries.
Dans ses particularités
Les personnes ayant un TSA présentent des sensibilités différentes des neurotypiques (visuelle, auditive, tactile, olfactive…), très souvent en hypersensibilité mais parfois aussi en hyposensibilité. C’est à dire qu’elles pourront être gênées par des lumières, des odeurs, des tissus, des bruits spécifiques contre lesquelles elles chercheront à se protéger, mais peuvent aussi être à la recherche de plus de stimulations (se faire mal pour s’auto-stimuler par exemple).
Cette hypersensibilité peut également être émotionnelle. Les ressources internes vont s’amoindrir avec la confrontation aux nombreux stimuli sensoriels, la capacité à gérer ses émotions aussi. Telles des éponges, les Aspergirls vont pouvoir être bouleversées par des événements de leur quotidien, même si elles vont paraître froides. Elles seront également plus sujettes à ressentir de l’anxiété, des angoisses, du stress, mais aussi plus à même à faire des dépressions. Des troubles de l’humeur sont également à noter. Au même titre que les hommes Asperger d’ailleurs, dans le cadre professionnel, elles font davantage de burn-out appelé burn-out autistique.
C’est aussi pour toutes ces raisons que les femmes Asperger apprécient généralement le cadre, la rigueur, les rituels, les habitudes. Elles se sentent plus à l’aise lorsqu’elles connaissent leur environnement et lorsque les événements sont prévisibles et qu’elles peuvent les anticiper.
Les stéréotypies sont très courantes chez les autistes. Cela les aide à ressentir une émotion, à gérer une information complexe que le cerveau n’arrive pas à traiter et donc à s’apaiser. Balancement, flapping (battre des bras), bruits de bouche, sautillement… autant de manifestations physiques incontrôlables. « Ce n’est pas moi qui fait tous ces mouvement, c’est mon corps » . Quant au niveau vestibulaire, les femmes Asperger peuvent avoir du mal à situer leur corps dans l’espace et peuvent, par exemple, très souvent se cogner une épaule contre une porte parce qu’elles n’ont pas bien juger la position de leur corps par rapport à l’ouverture.
Quels sont tous les a priori sur l’autisme ?
S’il y a bien un profil assujetti aux a priori, c’est l’autisme. Tout le monde parle mais personne ne sait, parce que c’est un handicap trop souvent méconnu fondé sur les différentes personnalités dans les films et à la télévision (Rain Man, The Big Bang Théorie, Forrest Gump, Atypical…). Il est donc grand temps de déconstruire tout ce qui s’est bâti autour du Trouble du Spectre de l’Autisme, et en particulier autour des femmes Asperger.
Les autistes sont égoïstes ?
Certaines personnes pensent que les autistes ont du mal à s’intéresser aux autres ou à prendre les avis des autres en considération, raison pour laquelle les Aspergirls sont souvent seules. Cet argument est absolument faux. Les femmes Asperger pourront, en effet, avoir plus de mal à accéder à la théorie de l’esprit (capacité à comprendre le point de vue de l’autre) mais ne sont pas moins altruistes et généreuses que les neurotypiques. S’il faut faire un cadeau par exemple, elles mettront davantage un point d’honneur à faire réellement plaisir au destinataire plutôt que de choisir quelque chose de lambda.
Les autistes ne ressentent pas d’émotions ?
Autre fausse croyance non fondée sur les autistes. Il faut savoir qu’il y a une différence entre exprimer une émotion, sur son visage notamment (ce qui d’ailleurs est plus difficile chez les hommes que chez les femmes, leur donnant une apparence quelque peu rigide et « robotique ») et ressentir une émotion. Les Aspergirls auront même tendance à être hypersensibles et très tourmentées par un évènement ou par un autre qui les concerne ou non. Elles pourront néanmoins avoir plus de difficultés à comprendre les réactions des gens du fait d’une cécité contextuelle (ne prendre en compte qu’une partie ou qu’un détail d’un évènement et non la globalité, altérant la possibilité de comprendre ce qui se passe correctement).
Les autistes sont des génies ?
Il est vrai que de nombreux Asperger ont également un Haut Potentiel Intellectuel (HPI) mais ce n’est pas une conséquence systématique. Des femmes peuvent très bien être Asperger sans pour autant développer un centre d’intérêt restreint ou une capacité phénoménale dans un domaine en particulier. Elles peuvent avoir un cerveau « passe-partout » et ne pas présenter de particularités scolaires exceptionnelles. Oubliez donc immédiatement de demander à un autiste de compter le nombre d’allumettes dans la boîte, vous ne ferez que renforcer le stéréotype qui leur colle à la peau et vous risqueriez même de vous ridiculiser.
Les autistes ne peuvent pas devenir de bons parents ?
Les Aspergirls sont tout à fait en capacité d’être de bonnes mères, aussi bienveillantes, douces et maternantes que les neurotypiques. Il est néanmoins possible que leur désir d’avoir un enfant soit moins prononcé que chez les neurotypiques, mais sachant qu’elles ne sont pas moins altruistes que ces dernières, elles n’auraient pas plus de difficultés à pallier les besoins des ses enfants. D’autant plus que l’autisme ayant sa part de génétique, les Aspergirls sont donc davantage en capacité de comprendre les possibles particularités (sensorielles, sociales, comportementales…) de leurs enfants.
Les autistes sont prétentieux ?
Les Aspergirls peuvent paraître froides et hautaines, c’est vrai. Avoir une manière de s’exprimer maladroite et rabaissante, c’est possible aussi. Mais ce n’est bien souvent qu’une façade, qu’une manière d’être, pouvant provenir d’une volonté de se protéger et d’une difficulté à exprimer ce qu’elles ressentent. Ces Aspergirls peuvent exceller dans un domaine en particulier, et parler de ce qu’elles aiment donnera l’illusion de vouloir étaler sa connaissance alors que leur désir profond sera de partager et de transmettre. Ces femmes ne sont pas plus prétentieuses que les autres, juste incomprises.
Le mot de la fin
Trop de femmes ayant un autisme de haut niveau s’ignorent et se sentent incomprises, jugées, et se dévalorisent. Et pourtant, il suffit de le savoir pour retrouver confiance en soi, pour avoir le mode d’emploi d’elles-mêmes et pour fonctionner enfin à leur façon. « Je ne comprenais pas pourquoi je n’aimais pas les mêmes choses que les filles de mon entourage : le shopping, les soirées, les futilités… J’ai essayé de les imiter au lycée, à la fac, je suis même sortie avec un garçon uniquement pour ne pas être la seule célibataire. Je croyais que c’était normal et qu’il fallait que je le fasse, jusqu’à ce que je craque. Ce n’était pas moi, je me suis perdue dans cette socialisation forcée. Je comprends aujourd’hui que je ne suis pas anormale, je suis juste une Aspergirl. »
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